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Philo Mermoz
23 avril 2018

b) Critique des conceptions communes de la morale

b-    Universalité de la morale: les critiques des conceptions communes de la morale

 

-          Morale et société :

 

protagoras

Protagoras est le père du relativisme, il considère qu’il n’y a pas de valeur absolu, pas de vérité, mais il n’y a que des opinions subjectives, variables, relatives. Par exemple : il est absurde de vouloir imposer à tous les hommes les mêmes valeurs, dans la mesure où, en fonction de la société où l’on vit, il y a des différences, des spécificités qui font qu’on va valoriser telle et telle chose et pas telle autre. En clair, la moralité d’une action n’est pas quelque chose qui est déterminable objectivement. Je suis déterminé à avoir les valeurs qu’on m'a inculquée : de même que quand je grandis en Grèce je parle grec sans pouvoir dire pour autant qui m'a enseigné cette langue, de même par imprégnation, j’incorpore les valeurs de la société et cette inculcation des valeurs est l’œuvre de toute la société à laquelle j'appartiens dans son ensemble. Les valeurs morales sont purement relatives, c'est-à-dire variables d’une société à l’autre

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Durkheim va démontrer que chaque individu est déterminé par son appartenance sociale à adopter telle ou telle valeur, et il faut insister sur ce terme « déterminé ». Il va considérer, en effet, que les faits sociaux sont des choses et comme toutes choses dans la nature, ils obéissent à des lois. Et justement, de même que la physique détermine objectivement les lois de la nature, de même la sociologie a pour but de déterminer objectivement les lois qui regissent la vie sociale. 

De ce point de vue, Durkheim veut établir une physique des mœurs, c'est-à-dire trouver les lois qui déterminent nécessairement les manières de penser et d'agir des individus dans une société donnée. La différence entre les lois physiques et les lois morales c'est que dans les lois physiques, le rapport entre la loi et le phénomène est direct : si je chauffe un métal, il se dilate directement. En revanche, entre la loi morale et l'action morale, il y a un lien synthétique, c'est-à-dire un jugement qui fait que lorsque je n'agis pas moralement les autres vont mal me juger mais également je vais mal me juger moi même. Et donc par mon jugement et la mauvaise conscience qui en résulte, je vais me sanctionner moi même.

Autrement dit, j'ai tellement intériorisé les valeurs de la société, qu'elles vont devenir mes propres normes de jugement. Et précisément la sociologie a pour objet d'exposer ces normes de jugement, de trouver ces lois. Toute la sociologie repose donc sur un présupposé déterministe: chacun pense être libre et agir en fonction de valeurs qui lui sont propres alors que cette liberté n'est qu'une illusion et au niveau de la société tout entière, on va découvrir les lois qui sont à l'œuvre et qui déterminent chacun des individus à adopter tel ou tel comportement, à penser de telle ou telle manière.

En un mot, comme n'importe quel être ou objet sur terre, les hommes sont déterminés. 

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Kant va critiquer aussi bien le relativisme que le déterminisme.

 

Critique du relativisme : si la morale de chacun était déterminée par les valeurs de la société à laquelle il appartient, cela voudrait dire que les valeurs morales varieraient d'une société à l'autre, elles n'auraient pas de valeur en elles-mêmes. Il suffirait de changer de société pour changer de valeurs et donc s'abstraire de toute forme de devoir par rapport à la société de départ. Donc, proclamer la relativité de toutes les valeurs, c’est les relativiser voire les dévaloriser : les valeurs n'ont rien d'absolu, rien d'essentiel. Voila pourquoi, il ne faut pas leur accorder plus d'importance qu'elles n'ont. Et donc par delà des valeurs, chacun doit chercher son intérêt. On comprend ainsi que si on s'en tient au relativisme il faut dire que les valeurs morales n'ont pas de valeur, donc ce ne sont pas des valeurs.

 

Critique du déterminisme : 

1er argument : On a dit que l’éducation donnée aux enfants était une imprégnation ou une inculcation de valeurs à travers laquelle on va conditionner les individus à penser et agir de telle ou telle façon pour pouvoir s'intégrer à la société. Pour Kant, en revanche, l'éducation n'est pas un processus de conditionnement mais doit plutôt être une libération. Eduquer un enfant, ce n’est pas l’embrigader, mais c’est lui apprendre à penser par lui-même, lui apprendre à développer sa raison.

Dès lors, quelle que soit la société à laquelle j'appartiens, quelles que soient les valeurs qui me sont imposées, je dois avoir l'intelligence de pouvoir les juger. 

2eme argument : Si on est conditionné par la société à agir de telle ou telle façon sans avoir aucune liberté ni jugement possible, alors on perd toute responsabilité par rapport à ce que l’on fait. A partir du moment, en effet, où tel un objet je suis déterminé nécessairement à commettre telle action, cela signifie que je n'ai pas eu le choix, pas eu la volonté, et donc je ne peux pas être tenu responsable de ce que j'ai fait ni même être jugé moralement pour ce que j’ai fait.

Par là même, parler de déterminisme et donc nier l’idée de liberté, c’est supprimer la signification même de la morale.

CSQ : Kant va aussi bien critiquer le relativisme en insistant sur la dimension universelle de la morale universelle que le déterminisme en insistant sur la liberté humaine.

 

-          Morale et intérêt:  Utilitarisme et conséquentialisme.

 

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L'utilitarisme reprend en partie les arguments relativistes en affirmant qu'il n'y a pas une morale universelle, il n'y a pas un bien en soi, absolu, mais à la différence du relativisme, Bentham va affirmer que tout ne se vaut pas et qu'il y a certaines choses qui valent plus, et le critère déterminant entre ce qui vaut et ce qui ne vaut pas, ce sont les conséquences positives de l'action. En clair, une bonne action c'est donc une action qui dans ses conséquences, génère plus de bienfaits que de méfaits 

De ce point de vue, le bien moral n'est pas un idéal, mais c'est ce qui sert l'intérêt du plus grand nombre, l'action qui a le plus de conséquences positives. Donc, bien loin d’obéir à de grands et beaux principes irréalistes, chacun doit uniquement agir par amour de soi. Chacun doit travailler à son bonheur personnel, et ce faisant il va contribuer au bonheur de tous. Car, il va y avoir comme une forme d’harmonisation des intérêts particuliers qui fera que, bien loin d’être source de conflits, tous les intérêts particuliers vont concourir au même objectif à savoir le bonheur universel.

Pour Bentham, le bonheur est donc quelque chose de simple à définir : c’est une quantité maximale ou optimale de plaisirs. Il va, ce faisant, parler d'arithmétique des plaisirs, et être rationnel se réduira à la capacité de pouvoir calculer son intérêt, déterminer l’action qui produira le plus grand nombre de plaisir pour soi et, par voie de conséquence, pour les autres.

L’utilitarisme+hédoniste+de+Bentham

Plus précisément, Bentham va déterminer  les critères qui vont nous aider à choisir rationnellement. 

1er critère : L’intensité. Entre un plaisir intense et un plaisir faible il faut rationnellement choisir celui qui est intense.  

2e critère : La durée. Entre un plaisir qui dure longtemps et un plaisir qui ne dure pas, il faut choisir le premier. 

3e critère : La probabilité. Plus un plaisir est probable plus il faut le choisir.

4e critère : L’extension. Plus un bien profite à un grand nombre de personnes meilleur il est.

En bref, on retient donc que ce qui est moralement bon, c'est ce qui a le plus de conséquences positives mais chacun agit dans son intérêt propre par amour pour lui même et l’intérêt propre est la base de toute morale.

 

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Kant ne partagerait pas ce point de vue. Pourquoi ? Parce que si on définit le bien par rapport à l'intérêt (personnel ou collectif), on va justifier des actions qui sont absolument immorales, la fin justifierait donc tous les moyens - il pourrait être moral de tuer, voler ou mentir afin d’assurer le bien du plus grand nombre. Or, pour Kant la morale ne doit pas être déterminée par l'intérêt, mais plutôt par la raison. 

 

- Morale et religion

 

Ce qui est moral c'est ce qui est universellement bon et qui ne dépend donc pas seulement de mon intérêt. Certains auront tendance à fonder la morale sur la religion à savoir que ce qui est bon c'est ce qui respecte les préceptes de la foi. Les grandes religions, en même temps qu'elles sont des religions, sont aussi des morales. Or Kant, va critiquer ce fidéisme (la foi détermine l'action) : la morale ne repose pas sur la foi pour deux raisons.

 1ere raison : la foi est quelque chose de personnel alors que la morale doit être universelle et donc je ne peux jamais m'appuyer sur mon credo pour juger les comportements des autres. Je ne dois pas vouloir imposer ma foi aux autres et encore moins les condamner parce qu'ils ne suivraient pas ses règles. 

Philosophe+allemand+(1724-1804)

2e raison : Faire passer la religion avant la morale est un danger absolu. C'est justement cela l'obscurantisme et il nous conduit à une forme d'aveuglement dont les lumières de la raison ont précisément pour rôle de nous délivrer. Contre la foi aveugle et la superstition, Kant fait appel à la raison et la raison c'est ce qui nous éclaire. La morale ne doit être rien d'autre qu'un appel à la raison et pas à la foi, cela ne m'interdit pas de croire ou de ne pas croire mais chaque fois que ma foi m'oblige à faire quelque chose qui est contraire à la raison, je ne dois pas le faire. Kant va même aller plus loin : la vérité de la foi repose sur la morale qui est la seule véritable religion - religion naturelle - et la base de toutes les religions.

 

 

-          Morale et conscience

 

La religion ne peut pas servir de base à la morale car certains principes religieux peuvent heurter ma conscience. Qu'est ce que la conscience ? La conscience c'est ce qui me permet de ressentir ce qui est bien et qui fait que je vais me sentir mal quand j'aurai mal agi. Pour Rousseau la conscience c'est ce sentiment qui permet de savoir ce qui est bien et ce qui est mal.

 

260px-Jean-Jacques_Rousseau_(painted_portrait)

Or Kant va également critiquer ce point de vue. Pourquoi ? On a tendance à définir ce qui est moral comme ce qui ne heurte pas la conscience. Ce qui est immoral en revanche, c'est ce qui heurte la conscience mais ces définitions de la morale posent problème dans la mesure où la conscience est purement subjective et qu'on ne ressent absolument pas les choses de la même façon. Si la morale reposait donc uniquement sur le sentiment ou la conscience de chacun, la morale ne serait pas universelle.

 

-          Morale et intelligence/connaissance

Nul+n+est+méchant+volontairement

 Dès lors, la morale ne va pas se fonder sur un sentiment mais sur la raison. Platon aura ainsi une conception intellectualiste de la morale : « Nul n'est méchant volontairement », ou "nul ne veut le mal". Qu'est ce qu'il veut dire par la ?

Quand on agit c'est toujours dans le but de bien faire. Le problème de celui qui agit mal c'est qu'il se trompe sur ce qui est bien mais il pense faire bien, autrement il n'agirait pas de la sorte. C'est donc la connaissance du bien qui détermine le sens de l'action et celui qui agit mal, agit par ignorance, il se trompe. Au contraire, celui qui coonnait le bien clairement, agira toujours moralement. Et donc la morale est fondée sur la connaissance qu'on a du bien. Voilà pourquoi plutôt que de juger ou condamner ceux qui agissent mal, il serait préférable de les éduquer pour les aider à développer leur connaissance.

VICTOR-HUGO

Kant va également remettre en question ce point de vue intellectualiste car il signifie deux choses :

1. Les ignorants pourraient se passer d'agir moralement et prétexter leur ignorance. Or, la morale découle uniquement de la raison, il suffit, abstraction de son niveau d'intelligence et de la somme de ses connaissances, de réfléchir pour savoir immédiatement ce qu'on a affaire. 

2. Comme on l'a vu, la base de la morale c'est la liberté, ce qui signifie qu'on peut connaître le bien et en toute conscience décider d'agir mal, la volonté est libre, elle n'est donc pas déterminée par le bien. Si, elle le choisit, ce sera donc librement. Et donc la question morale par excellence ce sera de savoir ce qui peut rendre la volonté bo

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