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Philo Mermoz
29 avril 2018

II] Introduction à la lecture de Descartes: Scepticisme de Montaigne, nécessité de douter et la morale par provision

II] Réflexion sur la conscience: explication des première et deuxième Méditations de Descartes

 

Introduction à la lecture de Descartes

 

  •  La Renaissance

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Pour bien saisir la portée de la philosophie cartésienne, il est nécessaire de reconsidérer ce qu'a été le XVIe siècle dans l'histoire. Ce siècle dit de la renaissance a surtout été une critique, une dissolution et même une destruction des anciennes croyances. En bref, sous prétexte de reconstruire, la renaissance a d'abord tout ébranlé et tout détruit : il n'y a plus d'unité politique ni linguistique de l'Europe. Sur le plan scientifique, les transformations et les découvertes sont tellement profondes et rapides qu'on ne peut plus avoir aucune certitude. Au point de vue moral et religieux, ce siècle est marqué par les guerres de religion entre catholiques et protestants : il n'y a plus aucune certitude dans le domaine de la foi.

  •  Le scepticisme de Montaigne

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En conséquence, pendant la renaissance, l'homme se sent perdu au milieu d'un monde qui lui échappe. À ce titre, le XVIe siècle est fondamentalement un siècle sceptique et c'est ce dont prend parfaitement conscience Montaigne qui, à toutes les formes de dogmatisme qui donnent naissance à la violence, va opposer son aveu d'ignorance qui va de pair avec la tolérance. Ainsi, Montaigne veut détruire le fanatisme de l'opinion. Mais le problème c'est qu'au fur et à mesure qu'il critique les opinions, Montaigne se rend compte que tout n'est qu'opinion et donc qu'il n'y a rien de certain. Cependant, si dans le monde tout est incertain, peut-être pourra-t-on trouver le fondement de la certitude en soi ? Voilà pourquoi dans les Essais, Montaigne s'étudie, se décrit et s'analyse et que sa question essentielle est : que suis-je ?

Donc, dans son introspection, Montaigne cherche à trouver un noyau ferme, quelque chose d'indubitable pour y appuyer la norme du jugement. Mais, au lieu de trouver un point fixe et solide qui lui servirait de fondement, il ne trouve rien que sa finitude et sa mortalité. En d'autres termes, Montaigne s'arrête sur un échec, une incapacité à trouver la vérité et c'est pour cela qu'il en reste à la question : que sais-je ?, question à laquelle il ne parvient jamais à répondre.

  •  Le sens de la philosophie de Descartes

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Descartes reprend l'interrogation de Montaigne, il va se replier sur lui-même, mettre à nu son âme. C'est pour cela, par exemple, que le discours de la méthode est un récit autobiographique. Et comme Montaigne dans les essais, Descartes commence par faire le récit d'une déception. En effet, la première partie du discours donne à voir un enfant assoiffé de vérité qui se rend compte qu'il ne peut croire personne et qui décide de se libérer de tous ses préjugés, de toutes ses opinions non fondées, de toutes ses superstitions. Et, après avoir étudié toutes les sciences de son temps, Descartes se rend compte qu'on ne peut se fier à aucune connaissance, qu'elles sont beaucoup trop vagues et incertaines.

Par là même, plutôt que de se laisser abuser par les pseudo évidences que toutes ces sciences proposent, il faut les laisser de côté et commencer par douter. Mais, il ne s'agit pas de douter pour douter encore moins de s'installer définitivement dans le doute ; en effet, par-delà le doute, l'objectif de Descartes c'est de se retrouver soi-même et découvrir le chemin qui mène à la vérité. 

Il s'agit pour Descartes de faire table rase du passé, de tout recommencer à nouveau et de philosopher comme si personne ne l'avait jamais fait auparavant. En bref, Descartes se propose de reconstruire pour la première fois et une fois pour toute, le système véritable des sciences. Par conséquent, il s'agit d'une révolution spirituelle qui porte en elle une révolution scientifique et qui, au total, proclame la valeur absolue de la raison. 

Donc il ne faut jamais oublier que l'oeuvre de Descartes est l'acte fondateur d'un ensemble de sciences nouvelles qui, grâce à leurs applications techniques et notamment aux progrès de la médecine qu'elles permettent, doivent transformer et améliorer la condition humaine et, au final, faire de l'homme, "le maître et possesseur de la nature". 

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Ainsi, pour Descartes, il faut se défaire de toutes ses croyances c'est-à-dire s'en libérer, les soumettre au tribunal de la raison. Or pour cela il n'y a qu'un seul moyen, c'est de vider son esprit complètement. Et ici, il y a quelque chose de paradoxal ; en effet, en voulant construire une science certaine, Descartes commence par douter de tout; ce qui nous fait dire que, pour lui, la certitude n'est pas immédiate : le certain, c'est d'indubitable, c'est ce qui résiste au doute. Et c'est précisément pour cette raison que le doute de Descartes est méthodique : c'est un moyen utilisé pour parvenir à la certitude.

Néanmoins, avant de douter, Descartes décide de se donner des règles de vie, ce qu'on appelle précisément la morale par provision, mais dans ce contexte, le problème est de savoir comment en l'absence de la vérité on peut se donner des règles fiables d'action. En effet, comment alors qu'on n'est sûr que rien on peut décider de suivre telle règle plutôt que telle autre ? En bref, comment le fait de douter de tout ne nous amène-t-il pas nécessairement à faire n'importe quoi ?

En fait, Descartes part de l'idée que la nature de l'homme est tellement limitée que les hommes que nous sommes sont obligés de prendre des décisions alors même qu'ils n'ont aucune certitude. En bref, la nécessité de décider sans savoir est inhérente à notre nature, c'est pour cela que les règles que nous donne Descartes ne sont pas provisoires et que la morale par provision est la morale même de l'humanité.

  •  Les quatre règles de la morale par provision

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Dans la première maxime du discours de la méthode, Descartes nous invite à vivre selon les opinions les plus modérées. C'est d'ailleurs pour cela, qu'il faut obéir aux lois et aux coutumes de son pays. Mais, il faut bien voir que cette obéissance n'est pas une justification de ces lois : c'est simplement la reconnaissance d'un ordre. En effet, il n'y a rien de pire que le désordre et l'anarchie. À ce titre, l'obéissance aux lois n'implique aucune approbation c'est-à-dire que l'esprit demeure totalement extérieur à ces lois. En ce sens, l'ordre politique n'appartient pas à l'ordre de la vérité : il est le domaine par excellence où règne l'opinion.

Avant d'exposer rapidement la seconde maxime, il faut remarquer que le doute semble impliquer l'irrésolution : en effet si je doute de tout comment vais-je me décider à faire certaines choses ? En fait, dans la pratique ( = ordre de l'action), il est possible de faire comme si ce n'était pas douteux. Autrement dit, dans l'ordre pratique, il faut faire comme si le probable était vrai pour ne pas passer son temps à hésiter et donc pouvoir agir.

Mais il faut remarquer que mon choix quand je doute et que je ne sais pas ne peut pas être fondé sur la connaissance de ce qui est meilleur. Donc, c'est le hasard qui va être déterminant. Or, comment faire pour que la volonté ne soit pas toujours ballottée au gré du hasard ?

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L'exemple du voyageur perdu dans la forêt permet de répondre à cette question : celui qui, alors qu'il est perdu, reste sur place ou ne cesse de tourner en rond ne s'en sortira jamais. La seule solution en l'absence de boussole et de cartes, c'est-à-dire en l'absence de certitudes, c'est de prendre une direction au hasard et d'aller tout droit. Donc dans l'incertitude totale, je vais trouver une certitude. Par conséquent, on ne peut pas prétendre savoir tout ce qu'il faudrait savoir pour bien juger et bien agir : c'est parce que l'on est mortel qu'on ne peut pas tout savoir. Mais l'urgence qui caractérise notre condition fait que nous devons prendre des décisions alors même que nous ne savons pas et pour prendre ces décisions, nous ne pouvons qu'aller au plus probable c'est-à-dire au plus vraisemblable. Or ce qui est simplement vraisemblable dans l'ordre théorique est seulement douteux. Donc, dans sa vie, l'homme va se résoudre à faire des choses qui sont dans l'ordre théorique douteuses. En ce sens, la recherche de la vérité (ordre théorique) n'a pas d'application pratique : la recherche de la certitude est indifférente aux exigences de la vie. Et c'est précisément pour cette raison de la morale par provision n'est pas une morale provisoire mais nécessaire : il faut faire provision de maximes qui nous permettent de vivre le plus heureusement possible alors même que, du fait de notre condition, on n'est pas sûr de pouvoir accéder au vrai et donc pas sûr de pouvoir faire les bons choix.

Troisième règle : Descartes va reprendre l’essentiel de la morale stoïcienne, "il vaut mieux changer ses désirs que l’ordre du monde", c’est-à-dire qu'il faut être conscient de ses limites et savoir qu’il y a certaines choses sur lesquelles on ne peut rien et sur ces choses, il ne sert à rien de perdre son temps, son énergie. En revanche, il y a certaines choses sur lesquelles on a un pouvoir, et sur ces choses là on doit faire tout son possible.

Quatrième règle : Il y a une chose particulièrement qui est en notre pouvoir, c'est notre raison. Voilà pourquoi le premier devoir d’un homme c’est de travailler à être raisonnable.

 A partir de ces analyses, on comprend la critique principale que Descartes adresse aux sceptiques: il leur reproche de ne pas savoir douter car ils ne suivent aucune méthode et se condamnent ainsi à être perdus, à errer définitivement, à ne jamais pouvor sortir de la forêt de l'incertitude. 

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