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Philo Mermoz
29 avril 2018

II] 2. "Je pense donc je suis". Réflexion sur matière et esprit et le vivant

II] 2. L'évidence du cogito: Que suis-je?

 

Les Méditations métaphysiques de Descartes (2/4) : Qui suis-je ?

Aujourd'hui une émission où il est question "de Dieu, et de deux ou trois autres choses", comme par exemple le cogito, et la relation entre nos pensées et l'existence du réel. Tout un programme à réécouter "chaque fois que vous le concevrez en votre esprit"!

https://www.franceculture.fr

a) La fiction du malin génie

Descartes va imaginer la fiction du malin génie : Imaginons un être tout puissant qui emploie toute sa puissance à me tromper, qui systématiquement me fait prendre mes illusions pour la réalité. Or, si tout ce qui me semble réel n’est qu’une illusion, comment pourrais-je jamais arriver à la vérité? Je peux donc douter de tout et la question c’est « comment si je peux douter de tout, trouver une vérité ».

Pourtant, au moment où je doute, je peux douter de tout sauf d’une chose c’est que je doute car si je doute que je doute, je doute. Or, si je doute, je suis conscient de douter. Et, si je suis conscient, c’est que j’existe car si je n’existais pas je ne pourrais pas être conscient. Voilà pourquoi "je pense donc je suis" = "cogito ergo sum" (discours de la méthode, 4). Le fait que je sois conscient c’est autrement dit la preuve de mon existence.

Le « je pense donc je suis »(= le cogito) est souvent mal compris: on a l’impression que la conscience passe avant l’existence, que l’existence est une conséquence de la conscience et qu'elle se déduit logiquement de celle-ci. Autrement dit, on a l'impression que le "je pense donc je suis" est la conclusion d'un raisonnement déductif ou d'une démonstration alors que pour Descartes c'est une intuition immédiate, une évidence absolue.  C’est la raison pour laquelle Descartes dans la deuxième méditation va changer la formulation et écrire simplement: "Je suis, j'existe", "ego sum, ego existo" en latin. Donc, c’est la réalité de l’ego qui est la première vérité, la seule réalité dont je ne puisse douter, la base sur laquelle on peut reconstruire tout l'édifice du savoir.

b) Les conséquences du cogito

- Que suis-je?

Mais, moi qui suis certain d'exister, que suis-je?

Je ne dois me définir que par la conscience que j’ai de moi-même. En clair, la conscience qu’on a de soi nous donne immédiatement accès à la connaissance de soi. La conscience est un miroir transparent dans lequel notre être tout entier se reflète. Pour Descartes il n’y a donc pas d’inconscient possible. Or, si je ne me définis que par rapport à la conscience que j'ai de moi-même cela signifie que je suis un esprit, une chose pensante, un sujet et que je ne dois donc pas me définir comme un objet ou par rapport à mon corps. Je peux, en effet, douter de tout ce qui est matériel, de tous les objets, à commencer par mon corps, mais je ne peux pas douter que je sois un esprit.

 - La réflexivité de la consicence et la transparence du sujet à lui-même

Par conséquent, dans la deuxième méditation Descartes arrive à l’évidence du cogito: lorsque je vois la table, je sais que c’est moi qui vois la table, il y a donc une réflexivité de la conscience dans le sens où, comme un miroir clair et transparent, elle réfléchit ce que je suis, elle me donne accès à moi-même. 

Il faut bien comprendre ce que veut dire Descartes quand il dit "je pense donc je suis". Penser, ce n’est pas avoir la faculté de réfléchir, mais c'est simplement être conscient. « J’entends par penser tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous-même » Principes de la philosophie.

Voilà pourquoi pour définir ce que je suis, il suffit d’être conscient de moi-même. De ce point de vue, la conscience est un miroir transparent dans lequel ma personnalité se reflète. Il suffit de prendre conscience de soi pour se connaitre soi-même.

- La preuve de l'existence de Dieu et la critique de k'hypothèse du Dieu trompeur

Or, quand je prends conscience de moi, je prends conscience de moi comme un être qui doute, qui ne sais pas; en clair, comme un être imparfait. Or, comment je peux me savoir imparfait ? Ce n'est possible que si j’ai en moi l’idée de la perfection, idée par rapport à laquelle je juge de mon imperfection. Or cette idée de perfection , qui est en moi, ne vient pas de moi vu qu'immédiatement je me connais comme un être imparfait. Cette idée vient donc d’un être extérieur à moi qui est parfait et qui est l'auteur de mon être. Donc j’ai la marque de Dieu en moi. D'où "je pense, donc je suis donc Dieu est".

Dieu existe, il est à l'origine de mon être et il est parfait. Or s'il est parfait, il ne peut pas avoir voulu me tromper donc toutes les vérités qui découlent de ma raison sont exactes: Je peux entièrement me fier à ma raison. Voilà pourquoi c'est sur la base de la raison que Descartes va reconstruire toutes les sciences, notamment en les mathématisant.

- la question de l'identité personnelle:

Je ne me définis pas par rapport à mon corps, mon corps ne fait pas mon identité. La preuve, tout au long de ma vie, mon corps ne cesse de changer et pourtant je suis toujours le même. Qu’est-ce qui fait mon identité ? Suis-je toujours le même ? 

Exemple du morceau de cire : Je prends un morceau de cire fraichement sorti de la ruche et spontanément je crois que pour le connaître il faut que je fasse des expériences, des observations. J’ai donc l’impression que l'expérience est la base de la connaissance scientifique, que la science est donc une connaissance empirique du monde. Je vais décrire le morceau de cire en fonction de mes sens : la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat, le goût et avoir une ceraine représentation ed la cire. Or, Descartes constate que si j'approche la cire d'une flamme, la cire change du tout au tout, elle change de consistance, de couleur, de forme etc. et pourtant je sais que c’est toujours la même, qu’est-ce qui fait qu’on se dit que c’est la même cire ? Ce ne sont pas mes sens, puisque la cire a complètement changé, mais c’est le concept qu’on en a. Autrement dit, derrière les propriétés sensibles il y a une substance qui reste la même et que seul l'esprit peut connaître. Et la substance de l’homme c’est son âme, son esprit. C'est ce qui fait qu'il reste toujours le même, qu'il continue à dire je, à être sujet, tout au long de sa vie même si son corps ne cesse de changer

Exemple des chapeaux et des mantaux : Je suis debout et, du haut de mon balcon, je regarde les passants dans la rue, je dis que je vois des hommes passer alors qu'en réalité je dois dire que je vois des chapeaux et des mantaux et je juge que ce sont des hommes. Mon rapport réel est déterminé par des jugements. Et c'est justement ce qui fait la différence entre la sensation et la perception. La perception, c'est la sensation accompagnée de jugement. Autrement dit, c'est grâce à la raison que je vais identifier, connaître les êtres dans le monde.

 

3. Matière et esprit

 

Introduction : Réflexion sur le vivant

Par conséquent, à travers l’exemple du morceau de cire, Descartes schématise la science moderne. A savoir que, le monde n’est pas accessible à nos sens mais à notre raison. Or cette conception rationnelle du monde remet en cause fondamentalement la conception aristotélicienne du monde notamment le vitalisme. Qu'est-ce que le vitalisme? c’est considèrer que les êtres vivants sont des êtres à part dans la nature, que ce sont des êtres animés, qu’ils ont une âme. Le vitalisme oppose donc d’un côté des êtres vivants et de l’autre côté les êtres inertes. Ce qui est vivant c’est ce qui a une âme, ce qui est inerte c’est ce qui a une cause. Pour comprendre la nature, Aristote va réfléchir sur les êtres vivants puis sur les êtres inertes.

 a) La physique d’Aristote

D’un côté Aristote réfléchit sur les êtres vivants et on comprend donc qu'être vivant c’est être en vie et être en vie c’est avoir une âme. Or plus précisément il y a plusieurs modalités du vivant, plusieurs sortes d’âme. Il y a l’âme végétative, qui permet de se reproduire, de grandir, de se nourrir. Elle est présente dans tous les êtres vivants, et les végétaux sont les êtres qui ne disposent que de cette âme. Il y a, en revanche, des êtres vivants qui ont non seulement une âme végétative mais aussi une âme motrice, qui leur donne la capacité de se déplacer. Ce sont les animaux. L'homme, enfin, c'est cet être qui a non seulement une âme végétative et une âme motrice mais qui a en plus une âme rationnelle qui lui donne la faculté de penser.

D’un autre côte il y a les êtres inertes qui, parce qu'ils sont dépourvus d'âme, n’ont pas les capacités des êtres vivants. Les êtres inertes sont donc inanimés et pour les expliquer on peut se réfèrer à leurs causes et Aristote distingue quatre causes:

- la cause matérielle, ce de quoi l’être inerte est fait ;

- la cause efficiente, l’activité qui permet de produire l’objet ;

- la cause formelle, la raison qui fait que cet êtr a telle forme ;

- la cause finale, c’est le but. Tout a une fin dans la nature selon Aristote voilà pourquoi il récuse l'idée de hasard.

 A partir de là on peut faire deux remarques:

  • Une œuvre d’art c’est bien un objet inerte, c’est-à-dire inanimé et pourtant l'artiste de génie c'est celui qui va donner une âme à quelque chose d’inerte. Ce qui est beau, un chef d'oeuvre, a une âme. A partir du moment donc où l'on définit une œuvre par sa beauté c’est qu’elle ne peut plus se réduire à ses causes, ce n’est plus une chose comme une autre et c’est ce qui la rend exceptionnelle. Or justement pour Arendt le grand problème de la modernité c’est qu'à force de les réduire à leur valeur marchande, on a perdu la vraie valeur des œuvres. Ce n’est plus le génie qui caractérise l’œuvre mais son prix. Le monde a perdu son âme, son humanité.
  • Selon la conception d'Aristote de l'univers, du cosmos, il n’y a pas de hasard, ni de vide, tout a un sens. Aristote divise l’univers en deux parties. Il y a ce qui est au centre en bas qui est imparfait, c’est la terre avec l’homme. Or, l’homme se tient debout pour voir les étoiles qui sont le domaine de la perfection, du divin. Le sens de la vie de l’homme c’est par la pensée de s’élever, par-delà des étoiles, à Dieu. Chaque être sur terre a une place déterminée et l’ensemble forme une harmonie. Or c’est précisément ce modèle où tout est ordre et beauté que Descartes va briser.

 

 b) Le mécanisme cartésien

Selon Aristote, l’âme est donc un principe immatériel qui met en mouvement un corps matériel. L'âme ne peut pas être observée ni expérimentée. Or pour Descartes cette démarche est anti-scientifique et Descartes va rendre raison du vivant autrement que par la notion d’âme : les corps vivants ne sont pas animés par des âmes mais par des mécanismes. En un mot, Descartes va réduire le vivant à une machine. La conséquence c’est qu’il n’y a aucune distinction à faire entre les êtres vivants et les êtres inertes. Il n’y a plus à distinguer matière vivante et matière inerte, biologie et physique, les êtres vivants sont composés exactement des mêmes particules que les êtres inertes. La matière vivante n’est que de la matière ordinaire organisée autrement, elle est juste plus complexe mais pas différente. En bref, il n’y a aucune spécificité du vivant face à l’inerte voilà pourquoi tout corps vivant peut être réduit à une machine.

En conséquence, tous les êtres obéissent aux mêmes lois et ces lois physiques sont les lois de la matière. Les animaux n’ont donc aucune dignité particulière pas plus qu’un morceau de pierre. Voilà pourquoi on peut les exploiter sans limite, ce sont des choses comme les autres. Mais si cette réduction de l'organisme vivant à une machine permet de mieux agir sur l'organisme (médecine), de se rendre comme maître et possesseur de la nature (la technique), elle pose des problèmes éthiques.

De plus en plus de personnes, en effet, contestent aujourd'hui ce réductionnisme. Ces personnes ne veulent plus que l'on traite les êtres vivants comme des choses mais veulent qu'on respecte leur dignité. 

 

c) Le dualisme cartésien = la différenciation de l’âme et du corps

 La principale conséquence de la thèse de Descartes c’est que l’esprit (âme) et la matière (corps) sont deux choses totalement distinctes, il n’y pas d’âme qui explique le mouvement des corps mais seulement des lois physiques.

Plus précisément, Descartes réfléchit sur ce qui permet de définir un corps. Qu’est ce qui permet de définir un corps, une matière ? : « C’est l’étendue en longueur, largeur et profondeur ». Tout corps matériel occupe un espace. Autrement dit, l’étendue physique, le monde physique se comprend uniquement à travers les principes mathématiques. Dès lors, tous les corps peuvent s’expliquer, il suffit de remonter à leur cause, au mécanisme physique qui les détermine. 

Descartes va, là encore remettre en question la définition qu'Aristote donnait des 4 causes, pour ne définir la cause que par rapport à une chose: le rapport fixe qu’il y a entre un phénomène et ce qu’il le détermine. Tout est donc déterminé dans l'univers par des lois nécessaires. C'est le principe de base de la science moderne, le principe de causalité ou de déterminisme.

Or, dans cet ensemble, l'homme est une exception, dans la mesure où il ne se définit pas par rapport à son corps mais par rapport à son esprit, il échappe donc ce faisant au déterminisme naturel, il est libre. 

 

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