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Philo Mermoz
26 avril 2018

I] 1. L'être du temps

1)                  L’être du temps

 

Introduction :

 

Pendant très longtemps, les hommes n’ont pas cherché à penser ce qu’était le temps car leur religion leurs donnaient une interprétation toute faite du temps. Pour l’Eglise, par exemple, le temps marque les étapes qui vont conduire l’homme à l’éternité. Le temps est la marque de la déchéance de l’homme, il commence quand Adam, à cause de son péché, est chassé du paradis par Dieu. Et donc, l’homme va être chassé de l’éternité pour vivre dans les affres du temps. Voilà pourquoi, vivre dans le temps c’est nécessairement souffrir pour expier ses fautes.

Goya

L’homme est donc totalement impuissant face au temps qui l’engloutit et le détruit. Voilà pourquoi on a besoin d’un sauveur, d’un messie, et donc quel est le sens du temps pour l’Eglise ? C’est attendre deux choses : le salut du messie et le jugement dernier, c’est-à-dire le moment où on va retrouver Dieu. Et donc, l’Église donne sens au temps. Pendant des millénaires, on s’en est tenu à cette vision du temps, on a considéré que l’éternité est ce qui est parfait, et le temps c’est une image imparfaite de l’éternité : c’est le domaine de la chute, de l’imperfection, de la souffrance. Or cette vision du temps nous aveugle, nous empêche de savoir ce qu’est réellement le temps. Qu’est-ce que le temps ?

 

a)                  Les paradoxes de Zénon

 

-       Achille et la tortue

 


Achille est connu pour sa rapidité à la course, tout le contraire de la tortue qui est connue pour sa lenteur. Ils sont censés faire une course et Achille, bon seigneur, va laisser une certaine avance à la tortue. Le temps qu'Achille court cette distance qui le sépare de la tortue, la tortue, malgré sa lenteur, aura parcouru quelques pas. Le temps qu’Achille parcourt à son tour ces quelques pas, la tortue aura à nouveau avancé et ainsi de suite à l’infini. Donc Zénon démontre qu’Achille se rapprochera indéfiniment de la tortue dans jamais pouvoir la rattraper.

Zenon_AchilleTortue

 

-        La flèche

 

Passionné de tir à l’arc, je lance une flèche, visant une cible située au loin. La flèche, une fois lancée, est évidemment en mouvement or pour Zénon c’est loin d’être une évidence : ma flèche doit parcourir une certaine distance or à chaque instant que je l'observe, elle est immobile, or si elle est immobile cela veut dire qu'elle ne bouge pas : le mouvement est donc impossible. De même si le temps est une succession d'instants et que chaque instant est un moment où le temps est arrêté, le temps n'existe pas.

Zeno_Arrow_Paradox

Spontanément on a impression que le temps est une réalité extérieure, un milieu dans lequel tout baigne et où qu'on puisse être le temps serait le même partout. Autrement dit, le temps serait objectif et universel. Or, n’est-ce pas là qu’une illusion ? Quel est l'être du temps ?

 

 

b)                  Temps et Conscience

 

St_Augustin

Lecture du texte de St. Augustin extrait des Confessions, Livre 11.  

 tps_augustin

 

Augustin part d’un paradoxe, plus précisément il ne va pas s’en tenir à ce qu’on lui a dit ou à la vision classique, il va chercher à réfléchir, penser par lui-même et justement quand on pense le temps on a à faire à un problème.

Pourquoi ? Si on part de l’évidence immédiate on va dire qu’il y a trois dimensions dans le temps : le passé, le présent, et le futur. Le temps serait donc un ensemble qui engloberait les trois. Donc pour savoir ce qu’est le temps, il faudrait chercher à définir le passé, le présent et le futur.

Mais un problème apparaît, si on se pose la question « qu’est-ce que le temps ? » cela signifie que l’on cherche l’être du temps, or comment pourrait-on définir le temps par rapport au passé et à l’avenir sachant que le passé n’est pas, n’est plus et que le futur n’est pas encore. En clair, comment peut-on définir l’être d’une chose par rapport à ce qui n’est pas ?

 

Saint augustin démontre donc que l’on ne peut pas définir ce qu’est le temps ni par rapport au passé ni par rapport au futur, car ils ne sont pas. Il ne resterait plus donc qu’à définir le temps par rapport au présent qui lui est. Or si on a affaire qu'à du présent, coupé de tout passé et de tout avenir, on a affaire à l'éternité et non pas au temps. Autrement dit, le présent n’est une dimension du temps que s’il tend au non-être pour devenir passé. Donc le présent lui-même n’est pas.

Qu’est-ce que le temps alors ? Augustin nous montre que le temps n’existe que dans la conscience de celui qui se souvient et c’est le passé, de celui qui se projette ou anticipe et c’est le futur, de celui qui perçoit ce qui l’entoure et c’est le présent.

 

 



Conclusion :

Quand on a affaire au temps on a affaire à un problème. Tout le monde pense savoir ce qu'est le temps alors que quand on me pose la question je ne sais plus. Après réflexion, je vais dire qu'il se résume à trois dimensions : le passé, le présent, le futur. Augustin va justement déconstruire cette opinion qui réifie ou chosifie le temps pour démontrer que le temps n'est pas réel, qu’il n’existe que dans la conscience. Plus précisément, il insiste sur le fait que le temps n’est pas : il n’existe pas en dehors de la conscience.

-       Le passé n’est plus, néanmoins il demeure présent dans la mémoire, et donc si le passé existe c’est pour quelqu’un qui se souvient.

-       Le futur c’est ce qui n’est pas encore mais qui est déjà présent à l’esprit en termes de projet. « La conscience est un pont jeté entre le passé et l’avenir » selon Bergson.

Il n’y a pas de temps en dehors de la conscience. A travers le texte, Augustin cherche à purifier notre représentation du temps. Se demander ce qu’est le temps, ce n’est pas chercher une chose, une réalité, mais c’est prendre conscience de ce que c’est qu’être un homme puisque précisément être pour l’homme c’est être projeté dans le temps. Plus précisément, la conscience est temporelle, elle temporalise ; à partir du moment où elle s’éveille au monde, elle inscrit le monde dans le temps.

-       Enfin, le présent ce n’est pas quelque chose qui existe en dehors de la conscience mais ce n’est rien d’autre que la perception, c’est-à-dire la manière qu’à la conscience de s’ouvrir au monde, de s’éveiller aux choses.

Pour comprendre ce qu’est le temps, il s’agira donc de définir ce qu’est la conscience.

c) Conscience et durée

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 - La conscience comme trait d'union entre le passé et le futur

Cf Pensée 172 de Pascal. « Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occuper au passé et à l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent. » ; « Si imprudents que nous errons qui ne sont pas nôtres et nous pensons point au seul qui nous appartient ». 

Pascal reproche donc aux hommes leur inconscience. Au lieu de vivre au présent, les hommes passent leur temps à regretter le passé et à se préoccuper de leur avenir et, ce faisant, ils se condamnent à passer à coté de leur vie puisque l’avenir et le passé nous échappent par définition.

Or Bergson va répondre à Pascal qu’être au présent ce n’est pas s’enfermer dans l’instant, ce n’est pas se couper du passé ni se couper de l’avenir. Le passé et l’avenir, en fait, sont des dimensions constitutives du présent. Plus clairement, être présent pour l’homme c’est nécessairement se souvenir de ce qui a été pour mieux anticiper ce qui va venir : « la conscience est un trait d’union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l’avenir ».

- Temps perçu et temps conçu

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Pour bien comprendre ce que veut dire Bergson, il faut distinguer le temps perçu du temps conçu. Plus précisément ce qui nous empêche de comprendre ce qu’est le temps c’est la conception scientifique et mathématique qu’on en a. En effet, les mathématiques nous présentent le temps comme une ligne composée de points, qui sont les instants.

En clair, notre conception mathématique du temps confond le temps avec l’espace. Et donc toute la difficulté c’est de dépasser cette conception pour retrouver la vraie perception du temps. Bergson affirme que nos perceptions ont été faussée par nos conceptions c'est-à-dire nos préjugés. Et les principaux préjugés tirent leur origine du langage. La grammaire par exemple est devenue quelque chose de tellement habituelle pour nous qu'on ne l'interroge plus alors qu'elle va imposer ses structures au réel. Les mots nous barrent la route du réel. Dans la langue française, le masculin l'emporte toujours sur le féminin et tout le problème c’est que cet usage grammatical va impser une structure sociale dans laquelle le genre masculin va abusivement dominer le genre féminin.

En clair, toute la difficulté de la connaissance sera de parvenir à dépasser les structures mentales qui nous viennent de nos habitudes de penser, de parler, qui nous empêchent désormais de percevoir la réalité telle quelle est. C’est comme une grille plaquée devant nos yeux. Et, précisément, quand il s’agit du temps, on a une grille mathématique qui nous fait penser que le temps est, comme une droite, une succession infinie de points, les instants, extérieurs les uns aux autres.

 - La conception scientifique du temps

Donc, Bergson critique la spatialisation du temps pour nous faire comprendre que la vérité du temps se trouve dans l'intuition immédiate qu'on en a quand on le perçoit, quand on le vit. Ce faisant il prend l'exact contrepied de Newton.

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Newton va déterminer va opposer un temps absolu et un temps relatif.

  • Le temps absolu, c’est la vérité temps, celui qui est le même pour tous, dans tout l’univers, il est objectif, homogène mesurable: une seconde est une seconde. C’est le temps, "t", qui va permettre de mesurer tous les phénomènes physiques.
  • En revanche, le temps relatif, c’est le temps tel qu’il est perçu subjectivement, la conscience que j’en ai. Or, la perception subjective ne peut pas être la norme d’une mesure scientifique. Par exemple, supposons que je veuille mesurer la vitesse d’Achille et de la tortue qui font la course. Plus mon chronomètre est précis, plus ma mesure sera exacte. Si j’ai une horloge atomique, j’aurai la mesure la plus exacte possible du temps qu’ils ont mis. En revanche si je m’en tiens seulement à mon intuition, je n’aurai jamais une connaissance exacte. Ça sera totalement approximatif, anti-scientifique.

Dès lors, selon Newton, la science doit se méfier et doit condamner toute forme de subjectivité, le temps de la conscience ne peut pas constituer la vérité du temps. Il faut donc dépasser ses intuitions subjectives et s’en tenir au temps objectif tel qu’il est mesuré par les horloges.

 Montre molle au moment de la première explosion

- La vérité du temps c'est la durée, c'est-à-dire le temps vécu

C’est précisément cette définition scientifique du temps que Bergson remet en question. Pourquoi ? Parce qu’en fait, les scientifiques n’ont pas affaire au temps, mais à l’espace : quand je mesure la distance parcourue par une aiguille sur un cadrant d’une horloge, pour mesurer l’heure, on n'a mesuré que de l’espace; de même, lorsqu'en histoire, on représente le temps sur une frise. Cette représentation spatiale est utile car elle permet de mieux organiser les évènements, de mieux les planifier, mais il faut distinguer la représentation de ce qu’elle représente, ce n’est pas parce qu’on représente le temps par une ligne qu’il faut penser que le temps est une ligne. En fait, Bergson va revenir à la perception immédiate du temps qu’on appelle la durée.

Le temps n’est pas une succession discontinue d’instants mais c’est une totalité, c’est quelque chose qui est continue et qu’on ne peut pas séparer en points distincts. Ici on peut comparer le temps à un morceau de musique. Sur une partition, chaque note est séparée. Or l’écriture de la musique n’est pas la musique, la seule musique c’est quand tout résonne ensemble, quand les notes forment une mélodie, une totalité, quand on ne peut retirer ou même changer une note sans que cela ne change la totalité du morceau. Et donc quand on écoute une symphonie, on ne va pas distinguer les notes les unes des autres. Chaque note n’existe que comme un appel vers les suivantes, ou comme une réminiscence des précédentes. En clair, dans chaque note, il y a l’ensemble de la symphonie. C’est une totalité qui est indivisible. Il en va de même pour le temps: il ne sert à rien de couper le présent du passé ou le présent de l’avenir. La vie est une totalité que l'on ne peut réellement découper en instants ponctuels.

 

 

Mais plutôt que d’instants il faut parler de moments. Un moment a toujours une épaisseur et cette épaisseur c’est un lien vers le passé et un lien vers l’avenir. Quand j’écoute une symphonie que j’aime, j’ai l’impression qu’elle ne dure qu’un moment, alors qu’en classe chaque mot me pèse, et j’ai l’impression que ça dure une éternité. Donc pour Bergson le temps n’a rien d’absolu ni d'universel, c’est quelque chose de purement subjectif et la seule manière de comprendre le temps c’est de s’en tenir à cette intuition immédiate.

 

 

 

 

d) Le temps selon la théorie de la relativité

70a355b0b6_50142362_einstein-1000En 1905, Albert Einstein énonçait la théorie de la relativité remettant en cause les principes établis par Newton et semblant donner raison à l'intuition bergsonienne du temps. Pour nous faire comprendre ce qu'est la relativité, il écrivait que c'est le fait "qu’une heure paraît une minute lorsqu’on est à côté d’une belle femme et qu’une minute paraît une heure lorsqu’on est sur un poêle brûlant". Or, Einstein va affirmer que le temps ne dépend pas de la conscience subjective de chacun mais qu'il est objectif.


 

- La relativité restreinte: l'espace-temps

La théorie d'Einstein repose sur deux principes de base:

  • Les lois de la physique sont les mêmes dans tout l'univers.
  • La vitesse de la lumière est constante. 

C'est ce deuxième principe qui est étonnant car il semble contredire l'expéreince ordinaire. Supposons que je marche dans un train à 6 km/h et que ce train aille à 100 km/h, les deux vitesses s'additionnent ce qui fait que ma vitesse réelle, pour un observateur debout sur le quai, sera de 106 km/h. Or, cette évidence n'est pas vraie dans le cas de la vitesse de la lumière qui reste toujours la même. Si je mesure la vitesse de la lumière (C= 300000 m/s) dans le train, elle ne sera pas de C+100 km/h, mais elle sera toujours de C. 

Or, la formule pour calculer la vitesse est V=d/t. Donc si V est une constante fixe, ce qui va changer c'est soit la distance parcourue (=espace) soit le temps. L'espace et le temps ne sont donc plus des absolus mais ils sont relatifs.

Pour reprendre l'exemple du train, si un sujet, placé au milieu du wagon, appuie sur l'interrupteur qui commande les deux lampes, placées de part et d'autre du wagon, ces deux événements seront simultanés pour lui. Or, pour le sujet qui regarde le train passer à grande vitesse, ces deux événements ne seront pas simultanés, mais il verra la lumière d'une des deux lampes s'allumer avant celle de l'autre. Et le laps de temps qui s'écoulera entre les deux événements sera d'autant plus grand que la vitesse du train est importante. Donc pour ces deux observateurs, celui dans le train et l'autre sur le quai, le temps n'est pas le même.

Cette perte de la simultanéité a pour conséquence l’abandon de la notion de temps absolu. En effet, comment pourrait-on encore parler d’un temps absolu indépendant de toute influence extérieure si différents observateurs sont incapables de se mettre d’accord sur la chronologie de deux événements ? Mais, s'il est vrai que le temps n'est pas absolu ou universel, Einstein ne va pas le réduire pour autant à la simple intuition subjective. Le temps est certes relatif au référentiel mais il est objectif.

Cette définition du temps est absolument révolutionnaire parce que le temps cesse d'être une conception mathématique pour devenir la structure même de la réalité physique: c’est le tissu qui constitue l'univers.

- La relativité générale: la courbure de l'espace-temps

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Pour bien comprendre cela, il faut en revenir à la théorie de Newton de la gravitation. Les corps exercent les uns sur les autres une attraction qui est d'autant plus grande que le corps est massif et proche. Le soleil, par exemple, va exercer cette force sur les astres autour de lui, il crée un champ gravitationnel. La terre, parce qu'elle est à proximité du solei, va subir cette force ce qui lui donne une trajectoire elliptique autour du soleil. 

Or, dans la théorie de la relativité générale, Einstein va supprimer cette force gravitationnelle pour expliquer le mouvement des astres. En fait, le soleil, du fait de sa masse, va déformer la structure de l'espace-temps autour de lui. La terre ne subit aucune force, elle conserve un mouvement inertiel rectiligne sauf que l'espace-temps etant déformé, les lignes droites sont, en réalité, des lignes courbes et la trajectoire de la terre devient une courbe autour du soleil.

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Comment la théorie de la relativité d'Einstein a changé nos vies

La relativité générale, la célèbre théorie d'Albert Einstein, a 100 ans cette semaine. L'occasion de revenir sur une équation qui a changé le monde. Des deux théories de la relativité découlent deux conclusions révolutionnaires qui sont toujours valables à ce jour.

http://www.lemonde.fr

 

- Transition

Donc, à travers cette réflexion sur le temps, on est parvenu à démontrer qu’on avait en science différents modèles explicatifs possibles pour le même phénomène. Par exemple, le modèle newtonien explique la trajectoire des planètes par rapport au soleil en faisant appel a la notion de force gravitationnelle alors qu'Einstein va expliquer ce même mouvement des planètes en faisant abstraction de la gravité mais en parlant de déformation de la structure spatio-temporelle liée à la masse du soleil.

Le problème c’est de savoir laquelle des deux théories est vraie et comment faut-il procéder pour arriver à la vérité en science.

 

 

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